27-07-2025
- Science
- Le HuffPost France
« Je me trouve moche » : Mon enfant a un complexe physique, comme l'aider à mieux s'accepter ?
PARENTALITÉ - « Je ne veux pas mettre celui-là, je suis grosse dedans. » Quand ma fille a lâché cette phrase un matin où je lui proposais de porter un pull (adorable, au demeurant) par-dessus son tee-shirt, je n'ai pas su quoi répondre. À cinq ans seulement, comment peut-elle exprime un tel jugement dépréciatif sur elle-même ? Lui ai-je malgré moi transmis cette hantise vis-à-vis du poids que partagent tant de femmes de ma génération ? Et surtout, comment puis-je l'aider à s'aimer telle qu'elle est ?
Je ne suis pas le seul parent, loin de là, à me demander comment aider mon enfant surmonter ses complexes. « Je me trouve moche », « j'aime pas mon nez », « on me traite de minipouce » … Autant de phrases que des enfants, confrontés au regard des autres, peuvent confier à leurs parents une fois rentrés à la maison. Reste à savoir quoi leur répondre pour les rassurer.
Une question qui taraude aussi Margaux depuis que son fils de 10 ans lui a confié être complexé par sa petite taille. « Il est tout en bas de la courbe de croissance. Mais il le vit mal parce qu'il subit des regards et des paroles méchantes des autres enfants de l'école, et que sa sœur de CE2 est plus grande que lui. Je vous avoue que je redoute l'entrée au collège sur ce sujet… », souffle la mère de famille.
La souffrance de ne pas se conformer à la norme
« Les enfants ont conscience très tôt du rapport au corps et de la façon dont il peut être perçu par les autres, enfants comme adultes », nous confirme Virginie Piccardi, psychologue clinicienne pour enfants, qui rappelle que c'est vers l'âge de 6 ans que l'on commence à se comparer aux autres, à devenir soucieux de l'image que l'on renvoie aux autres. « De là peut naître un complexe, c'est-à-dire le fait de souffrir de l'écart par rapport à ce qu'on souhaiterait. »
Être plus grand, moins rond, plus fort en sport ou avoir les cheveux moins frisés… Est-ce que les complexes naissent forcément du regard de l'autre ? « Il arrive aussi qu'un complexe naisse de lui-même, estime Virginie Piccardi. Il y a des enfants qui ne s'aiment pas en se regardant dans le miroir, qui portent un regard dépréciatif sur eux-mêmes parce qu' ils ne correspondent pas aux normes qu'ils voient dans la rue, à la télé, sur internet. J'ai le souvenir d'avoir rencontré une petite fille qui avait les oreilles décollées et qui, sans qu'on lui ait fait de remarque, était en grande souffrance. Et puis parfois, il suffit de pas grand-chose - un regard un peu insistant ou une remarque anodine - pour déclencher un complexe. »
Pour le fils de Margaux, ce sont les moqueries de ses camarades qui ont déclenché son mal-être vis-à-vis de sa taille. Mais il arrive aussi les parents soient, malgré eux, à l'origine du trouble que ressentent leur enfant. Cela peut être le cas, par exemple, d'une mère ayant souffert plus jeune du regard des autres sur son poids, et qui transmet par capillarité cette peur à son enfant. « L'enfant absorbe non seulement ce que ses parents disent, mais aussi leur comportement. C'est pour cela qu'il faut faire attention dont on aborde le sujet des complexes avec lui », souligne Virginie Piccardi.
É couter et accompagner sans minimiser
Quand on est parent, on peut se sentir démuni quand son enfant nous avoue se sentir complexé par son physique. Que lui dire pour qu'il apprenne à s'aimer ou, du moins, à s'accepter ? Pour Virginie Piccardi, il y a deux écueils à éviter.
D'abord, minimiser ou banaliser la souffrance que ressent son enfant. « Pour le préserver, on peut être tenté de lui dire 'mais non, tu es super beau' ou 'accepte-toi comme tu es'. Mais c'est nier ce qu'il ressent, considère la psy. Il a le droit de ne pas se trouver beau et de se comparer aux autres. Il sait aussi que les parents ne sont pas objectifs, qu'ils le trouvent toujours beau. Cela ne l'aide donc pas à restaurer l'estime de soi. »
L'autre piège serait, au contraire, de donner trop d'importance à ce complexe. « Il faut prendre acte que c'est une préoccupation de l'enfant sans en faire des tonnes ou en faire une vendetta personnelle », poursuit Virginie Piccardi, qui conseille plutôt de se montrer ouvert à la discussion. « On peut lui dire que tout le monde a des petits complexes, même nous. Que c'est frustrant de ne pas ressembler à ce qu'on aimerait être, et qu'apprendre à s'aimer, ça prend du temps », suggère l'experte, qui propose aussi de mettre son enfant au cœur du processus de résolution en lui posant la question : « Est-ce que toi, tu vois des choses à faire pour mieux t'aimer ? »
Des conseils qu'a mis en pratique Margaux avec son fils même si elle a bien conscience qu'il n'y a « pas de recette miracle ». « À force de discussion, il a fini par intégrer que chacun a ses propres complexes, mais que certains sont bien plus visibles que d'autres et bien plus faciles à moquer. On lui rappelle aussi que chacun grandit à son rythme, que la valeur des gens ne se mesure pas à leur taille. »
Quand le complexe demande un coup de pouce extérieur
Il arrive aussi que, pour se sentir mieux, notre enfant nous demande ce que Virginie Piccardi appelle une « remédiation corporelle » : un rendez-vous chez le nutritionniste par exemple, ou une opération de chirurgie pour recoller les oreilles. « Le parent doit alors l'accompagner et se rendre disponible. Mais attention, il ne faut pas que cette remédiation devienne une réponse rapide et systématique. Elle doit au contraire être mûrement réfléchie », prévient la psychologue, qui insiste sur « le temps long » que prend le cheminement d'acceptation de soi.
« Ce n'est pas marrant de voir son enfant en souffrance, mais il faut d'abord l'aider à s'accommoder de son physique. Et lui rappeler qu'une opération, c'est douloureux, et qu'on n'est pas sûr que ça résolve son problème d'estime de soi », ajoute Virginie Piccardi, qui plaide plutôt pour une valorisation du corps par le sport en « mettant à l'épreuve ce corps qu'il n'aime pas, par exemple devant le miroir si on fait de la danse, en maillot à la piscine… L'idée n'est pas de le surexposer, mais de le voir comme un outil de travail dont on prend soin ».
Enfin, il ne faut parfois pas hésiter à consulter quand ce complexe prend trop de place dans la vie de son enfant, par exemple s'il « refuse de vivre des expériences normalement plaisantes pour un enfant de son âge, comme la piscine ». « Voir quelqu'un de neutre pour entendre ses émotions négatives peut l'aider à restaurer sa confiance en soi et lui permettre d'avoir une vision plus complexe et nuancée de lui-même », conclut Virginie Piccardi.